
Références de l’arrêt
Cour d’appel de Rennes, 25 mars 2025, n°22-00991
Le principe dégagé par l’arrêt
La dissimulation volontaire par le vendeur de l’existence d’un projet d’installation d’une aire d’accueil de gens du voyage à proximité immédiate du bien constitue un dol au sens de l’article 1130 du Code civil. Ce dol est de nature à vicier le consentement de l’acquéreur et à entraîner la nullité de la vente, ainsi que l’allocation de dommages-intérêts.
Les faits
Des acquéreurs achètent une maison située dans une zone résidentielle calme. Peu de temps après la signature de l’acte authentique, ils découvrent qu’un projet d’implantation d’une aire d’accueil pour gens du voyage est prévu sur le terrain jouxtant la propriété.
Or, les vendeurs avaient connaissance de ce projet avant la vente, mais n’en avaient jamais informé les acquéreurs, ni au stade des négociations, ni lors de la signature du compromis.
La procédure
S’estimant trompés, les acquéreurs assignent les vendeurs en nullité de la vente pour dol et demandent, en outre, des dommages-intérêts pour le préjudice subi.
Le tribunal leur donne raison. Les vendeurs interjettent appel.
La question principale de droit
Le silence du vendeur sur l’existence d’un projet d’aménagement à proximité du bien vendu, de nature à influencer la décision de l’acquéreur, peut-il être qualifié de dol justifiant la nullité de la vente ?
La solution des juges
La cour d’appel de Rennes confirme le jugement. Elle rappelle les dispositions de l’article 1130 du Code civil, selon lesquelles « l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes ».
Elle retient que :
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Le projet d’aire d’accueil était déterminant pour le consentement des acquéreurs.
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Les vendeurs avaient parfaitement connaissance de ce projet, comme en attestent des échanges de SMS produits au débat.
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Le silence gardé volontairement sur cette information essentielle constitue un dol par réticence.
En conséquence, la cour prononce la nullité de la vente et condamne les vendeurs à verser des dommages-intérêts aux acquéreurs.
Enseignements pour les professionnels de l’immobilier
Cette décision illustre avec force la portée du devoir d’information pesant sur le vendeur, et indirectement sur les professionnels intervenant dans la transaction :
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⚠️ L’existence d’un projet d’aménagement voisin significatif (aire d’accueil, zone industrielle, voie rapide, etc.) doit être communiquée à l’acquéreur dès la phase précontractuelle, même si le projet n’est pas encore réalisé.
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📝 Les agents immobiliers doivent s’assurer que toutes les informations susceptibles d’influencer la décision d’achat sont révélées aux candidats acquéreurs. À défaut, leur responsabilité civile professionnelle pourrait être engagée aux côtés des vendeurs.
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📲 Les éléments de preuve numérique (SMS, emails, échanges divers) peuvent jouer un rôle probatoire déterminant pour établir la connaissance et la dissimulation d’informations par le vendeur.
📌 À retenir
Le silence sur une information déterminante peut vicier le consentement et entraîner la nullité de la vente pour dol.
Les professionnels doivent redoubler de vigilance dans la collecte et la transmission d’informations aux acquéreurs.
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