
Courte histoire vraie, lourde de conséquences juridiques : en 2004, Jean-Yves achète en catimini un appartement dans le 16ᵉ arrondissement de Paris, trois mois avant son divorce. Dix-huit ans plus tard, en tentant de le vendre, il est rattrapé… par le droit civil.
📌 Le principe : dans le régime de la communauté, tout bien acquis pendant le mariage est commun
Marié sous le régime légal de la communauté réduite aux acquêts, Jean-Yves ne peut valablement prétendre être seul propriétaire d’un bien immobilier acquis en 2004, soit avant le prononcé du divorce.
Que le bien soit financé avec des fonds propres, que seul un des époux signe l’acte d’achat, ou même qu’il le garde secret : la règle est claire selon l’article 1401 du Code civil :
"Font partie de la communauté tous les biens acquis à titre onéreux pendant le mariage."
⚠️ Ce que Jean-Yves a tenté : cacher le bien pour ne pas le partager
Lors du divorce, Jean-Yves n’a pas mentionné l’existence de ce bien dans l’inventaire destiné au notaire. Cette omission constitue juridiquement un recel de communauté (article 1477 du Code civil), c’est-à-dire la dissimulation volontaire d’un bien commun dans le but de s’en approprier la totalité.
Sanction possible :
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Perte de toute part sur le bien recelé ;
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Et même dommages-intérêts en cas de préjudice.
💥 Le retournement de situation : 18 ans plus tard, la vente révèle tout
En 2022, Jean-Yves contacte une agence immobilière pour vendre l’appartement. La vente semble classique jusqu’à ce que la notaire découvre que :
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L’appartement a été acquis alors que Jean-Yves était encore marié ;
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Il n’a jamais été attribué dans le cadre du divorce ;
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Il est donc en indivision post-communautaire, entre Jean-Yves et son ex-épouse.
Sans la signature de Camille, la vente est impossible. Jean-Yves est contraint de l’associer à la transaction.
Résultat : Camille récupère 450 000 €, soit la moitié de la vente du bien… dont elle ignorait l’existence.
❌ L’agence évincée… et fautive
Jean-Yves finit par vendre directement à un voisin. L’agence, pourtant à l’origine de la commercialisation, n’a pas été rémunérée. Pourquoi ?
➡️ Parce qu’elle a commis une erreur de base :
ne pas avoir vérifié l’historique de propriété, et notamment la situation matrimoniale de Jean-Yves au moment de l’acquisition du bien.
Camille n’ayant jamais signé de mandat, aucune commission ne pouvait être réclamée.
🎯 Enseignements pratiques pour les agents immobiliers
✅ 1. Toujours vérifier la situation matrimoniale au moment de l’achat du bien
Même si le vendeur est divorcé aujourd’hui, un bien acquis pendant le mariage est potentiellement en indivision avec l’ex-conjoint, sauf preuve d’attribution ou de liquidation de communauté.
📌 Bon réflexe : demander l’acte d’achat et l’attestation notariée de partage.
✅ 2. L’indivision post-divorce bloque toute vente sans le consentement des deux ex-époux
Une indivision entre ex-conjoints suppose la signature des deux pour toute vente.
➡️ Si l’un refuse, la vente est bloquée.
➡️ Si un seul signe le mandat, ce mandat est inopposable à l’autre.
✅ 3. Une agence doit sécuriser ses honoraires en identifiant tous les propriétaires
En l’absence de signature du co-indivisaire (même ex-conjoint), aucun honoraire n’est dû, même en cas de vente réussie.
La vérification juridique en amont est indispensable.
✅ 4. Le recel de communauté est une arme puissante pour l’ex-conjoint lésé
Le conjoint spolié peut demander :
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La totalité du bien recelé ;
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Des dommages-intérêts ;
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Et même la nullité d’une vente faite en fraude de ses droits.
📌 Conclusion
🔍 Agents immobiliers, ne vous laissez pas piéger par les apparences :
Un vendeur seul à la signature ne signifie pas forcément qu’il est seul propriétaire.
Vérifiez l’histoire du bien, le régime matrimonial, et les actes notariés. Une erreur peut vous faire perdre vos honoraires… voire engager votre responsabilité professionnelle.
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