
Cour d’appel de Rennes, 26 novembre 2024, n° 23-03768
Principe de l’arrêt
Le mandant qui conclut la vente de son bien avec un acquéreur présenté par l’agence immobilière, en violation du droit de suite prévu au mandat, est tenu de verser l’indemnité contractuelle, même si la vente ne s’est pas réalisée aux conditions exactes du mandat.
Autrement dit :
👉 Le simple fait de traiter avec un acquéreur présenté par l’agence suffit à déclencher le paiement de la clause pénale prévue au mandat, sans qu’il soit nécessaire que la vente se soit conclue au prix ou aux conditions du mandat initial.
👉 L’agence n’a pas à démontrer un manquement de la part du mandant, ni à prouver que la vente aurait pu se faire aux conditions exactes du mandat.
✅ Les faits
Une agence immobilière avait signé un mandat de vente exclusif avec un propriétaire (le mandant). Ce mandat comportait notamment une clause de droit de suite et une clause pénale : il interdisait au mandant de traiter directement avec un acquéreur présenté par l’agence, ou trouvé grâce à ses démarches, même après expiration du mandat.
Malgré cela, le mandant a vendu le bien en direct à un acquéreur auparavant présenté par l’agence, sans informer cette dernière de la transaction, ni même du nom de l’acquéreur. L’agence a alors réclamé l’indemnisation prévue par la clause pénale du mandat, d’un montant de 28 800 €.
🔍 La procédure
L’agence immobilière a assigné le mandant devant le tribunal, sollicitant le paiement de l’indemnité prévue au mandat.
En défense, le mandant a tenté de contester cette demande en affirmant que l’agence avait failli à son obligation de vendre le bien au prix du mandat, ce qui, selon lui, devait exclure toute indemnisation.
❓ La question posée à la cour
Le mandant peut-il être contraint de verser l’indemnité prévue au mandat alors que la vente ne s’est pas conclue exactement aux conditions fixées dans le mandat ? Et peut-il invoquer un prétendu manquement de l’agence pour se soustraire à son obligation ?
⚖️ La solution rendue par la cour d’appel de Rennes
La cour répond sans ambiguïté :
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✅ L’agence est bien fondée à réclamer l’indemnité prévue dans le mandat, même si la vente ne s’est pas réalisée aux conditions exactes de ce dernier.
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✅ Le droit de suite s’applique dès lors que l’acquéreur a été présenté ou découvert par l’agence, et qu’une vente intervient ensuite avec ce même acquéreur, peu importe si le prix final diffère de celui initialement prévu.
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❌ Le mandant ne peut pas reprocher à l’agence de ne pas avoir trouvé d’acquéreur au prix du mandat, car, selon les juges, « la vente au prix du mandant est toujours aléatoire, les parties étant régulièrement amenées à le négocier ».
📚 Les enseignements pratiques pour les agents immobiliers
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Le droit de suite protège efficacement l’agence : dès lors qu’un acquéreur a été présenté, toute vente ultérieure avec lui engage le mandant à verser l’indemnité, même si le mandat est expiré.
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L’indemnité est due même sans vente aux conditions du mandat : la clause pénale s’applique même si le prix ou les conditions diffèrent de ceux initialement convenus.
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Un mandant de mauvaise foi ne peut inverser la charge : il ne peut reprocher à l’agence une absence de vente aux conditions du mandat pour échapper à ses obligations, surtout s’il a lui-même contourné les règles.
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L’importance des clauses du mandat : les agences doivent veiller à bien rédiger leurs mandats, notamment la clause pénale et le droit de suite, pour sécuriser leur rémunération.
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