Caméra de surveillance et vie privée : une captation d’images sur un chemin privé peut constituer un trouble anormal de voisinage

Publié le 13 juin 2025 à 16:51

📌 Référence de l’arrêt

Cass. 3e civ., 10 avril 2025, n° 23-19.702 FS-B
Publié au Bulletin – Jurisprudence commentée le 23 mai 2025 par Mathilde Sourbet

Les faits

Un propriétaire érige un mur en limite de sa propriété et installe une caméra de vidéo-surveillance qui filme un chemin utilisé régulièrement par ses voisins. Ceux-ci l'accusent d’avoir empiété sur un passage commun à usage privatif et demandent non seulement la démolition du mur, mais aussi le retrait de la caméra qui filme leurs allées et venues.

La procédure

Les voisins assignent le propriétaire en justice afin d’obtenir :

  • la démolition du mur édifié sur le chemin privé,

  • l’enlèvement du dispositif de vidéo-surveillance.

La cour d’appel rejette la demande concernant la caméra, estimant que son champ de vision limité au chemin commun ne porte pas atteinte à la vie privée ni ne constitue un trouble anormal de voisinage.

❓ La question posée à la Cour de cassation

Une caméra qui filme un chemin privé emprunté par des voisins constitue-t-elle une atteinte à la vie privée et un trouble anormal de voisinage, justifiant des mesures en référé ?

La solution de la Cour de cassation

Oui. La Haute juridiction censure la cour d’appel pour avoir écarté à tort toute atteinte à la vie privée.
Elle rappelle que :

Le droit au respect de la vie privée (article 9 du Code civil) implique que la captation d’images sur un chemin privé, même commun à plusieurs voisins, constitue un trouble manifestement illicite.

Ainsi, le juge du référé devait ordonner le retrait de la caméra, en tant que mesure conservatoire pour faire cesser ce trouble.

 Base juridique

  • Article 9 du Code civil : respect de la vie privée

  • Principe de proportionnalité (CEDH, Peck c/ Royaume-Uni, 28 janv. 2003, n° 44647/98)

  • Jurisprudence constante : toute captation d’image sur une propriété privée sans consentement peut constituer une atteinte à la vie privée.

 Enseignements pour les professionnels de l'immobilier

👉 Pour les syndics et gestionnaires de copropriété :

  • La vidéosurveillance ne peut pas filmer les voies de circulation privées utilisées par les copropriétaires ou voisins, même pour des raisons de sécurité.

  • Il convient d’avertir systématiquement les copropriétaires sur l’encadrement légal de ces dispositifs (autorisation, information, limites de champ…).

👉 Pour les agents immobiliers et lotisseurs :

  • Lorsqu’un bien est vendu ou loué avec des dispositifs de surveillance, vérifier si leur usage est conforme à la réglementation (notamment dans les lotissements avec voiries privées).

  • Une mauvaise installation peut être source de litiges, voire d’une perte de valeur du bien.

👉 Pour tous les professionnels :

  • Le droit à la vie privée prime, même sur une propriété privée. Il ne suffit pas d’être « chez soi » pour tout filmer : le trouble naît dès que la captation concerne autrui, sans justification ni consentement.

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