
Cass. 1re civ., 28 mai 2025, n° 23-18.737
Faits
En 2014, puis à nouveau en 2017, un couple de propriétaires consent à une société une promesse unilatérale de vente portant sur un terrain non bâti. L’option est levée en janvier 2018 et l’acte authentique de vente est signé un mois plus tard pour un montant de plus d’un million d’euros.
Peu après la vente, les vendeurs découvrent qu’en raison du classement constructible du terrain depuis 2010 et d’une délibération municipale de 2008, des impositions additionnelles sont dues. Ils affirment qu’une information plus précise et plus anticipée du notaire aurait pu leur permettre de négocier la prise en charge de ces taxes par l’acheteur.
Procédure
Les vendeurs assignent le notaire sur le fondement de l’article 1240 du Code civil (ancien art. 1382), reprochant un manquement à son devoir de conseil. Ils sont déboutés en appel, la juridiction considérant que le notaire avait bien mentionné l’éventualité de taxes dans les promesses de vente.
Les vendeurs forment alors un pourvoi en cassation, estimant que l’information n’était ni suffisante ni opportune, la fiscalité étant pourtant prévisible et chiffrable dès 2014.
Problématique juridique
Le notaire engage-t-il sa responsabilité s’il n’informe pas ses clients de manière suffisamment précise et anticipée sur des impositions prévisibles avant leur engagement définitif ?
Solution de la Cour de cassation
Cass. 1re civ., 28 mai 2025, n° 23-18.737
Oui. La Cour casse l’arrêt d’appel. Elle reproche au notaire un manquement à son devoir de conseil.
Elle considère que les impositions en question étaient déterminables dans leur principe et leur montant dès la promesse de 2014. Le notaire devait donc en informer clairement les vendeurs en amont, avant leur engagement.
Il ne suffit pas de mentionner abstraitement l'existence de taxes : il faut fournir une information circonstanciée, explicite, chiffrée si possible, pour permettre aux parties d’adapter leur stratégie, notamment de négociation.
Le notaire est condamné à verser 3 000 € aux vendeurs au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. L’affaire est renvoyée devant une autre cour d’appel.
Enseignements pour les agents immobiliers
📌 1. Le devoir de conseil du notaire est autonome, spontané et anticipé
Il s’impose dès la promesse de vente, avant tout engagement définitif. Les conséquences fiscales d’une opération doivent être explicitement expliquées aux parties, y compris dans leur portée pratique (montant, conditions, délais).
📌 2. Une simple mention générique ne suffit pas
Les juges sanctionnent ici une information vague ou incomplète. Pour sécuriser l’opération, le notaire doit attirer l’attention sur les éléments déterminables et proposer des solutions, comme une clause de partage de charges fiscales ou une répartition anticipée dans le compromis.
📌 3. Le rôle de l’agent immobilier : alerter et coordonner
Sans se substituer au notaire, l’agent immobilier doit veiller à la bonne information de ses clients, notamment lorsqu’un terrain est devenu constructible. Il peut inciter les parties à interroger le notaire très tôt sur les conséquences fiscales, pour éviter toute surprise préjudiciable.
📌 4. Anticiper les conséquences fiscales dans les promesses
Les agents immobiliers doivent penser à intégrer dans les projets de promesse ou de compromis des clauses fiscales claires, en lien avec la constructibilité, afin de prévenir les litiges postérieurs.
🧠 À retenir : le devoir de conseil du notaire ne commence pas à l’acte authentique, il s’exerce dès le projet. Toute imprécision ou omission sur des éléments prévisibles peut engager sa responsabilité. Les professionnels de l’immobilier doivent s’assurer que les clients sont pleinement informés des impacts fiscaux dès la phase précontractuelle.
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