Vente d’un bien ancien : l’agent immobilier tenu d’un devoir de conseil en présence de désordres apparents

Publié le 5 juin 2025 à 16:41

🏛 Cour d’appel de Douai, 13 mars 2025, RG n° 24/01804

🔹 Principe tiré de l’arrêt

L’agent immobilier, en tant que professionnel de l’immobilier, est tenu d’un devoir de conseil et d’information, y compris envers l’acquéreur non mandant. Il doit alerter ce dernier sur tout désordre apparent de nature à influencer son consentement, surtout en cas d’acquisition d’un bien ancien et vétuste. Le non-respect de ce devoir peut engager sa responsabilité délictuelle (article 1240 du Code civil).

🔹 Les faits

Le 13 mars 2018, les époux [R] mandatent une agence immobilière pour vendre leur maison ancienne de 215 m², datant du XVIIIe siècle, sans rénovation récente.
La vente est conclue le 29 juin 2018 avec les époux [T], pour 775 000 euros. Le bien est acquis en l’état.
Le 17 juillet 2018, soit peu après la vente, une cheminée s’effondre sur la chaussée.

Les acquéreurs saisissent d'abord les vendeurs en justice pour obtenir la résolution de la vente, en invoquant un vice caché. Ils sont déboutés, le tribunal retenant un vice apparent, non couvert par la garantie des vices cachés (C. civ., art. 1642).

Ils se retournent ensuite contre l’agence immobilière, lui reprochant de ne pas avoir attiré leur attention sur les désordres visibles (vétusté des cheminées).
Ils réclament 28 500 € de dommages-intérêts, plus 4 000 € au titre des frais irrépétibles (CPC art. 700).

🔹 La question posée aux juges

L’agence immobilière a-t-elle commis une faute en ne conseillant pas les acquéreurs sur l’état apparent de vétusté des cheminées, engageant ainsi sa responsabilité délictuelle ?
Autrement dit, le devoir de conseil de l’agent immobilier s’étend-il aux désordres apparents d’un bien ancien, même en l’absence de qualification technique ?

🔹 La solution

La Cour d’appel de Douai, dans son arrêt du 13 mars 2025, rappelle que l’agent immobilier est tenu d’une obligation de conseil, même à l’égard de la partie non mandante, dès lors qu’il intervient à la vente.

Elle souligne que l’agent devait alerter les acquéreurs profanes sur l’état visiblement vétuste des cheminées et les inciter à consulter un professionnel compétent. Ce manquement constitue une faute engageant sa responsabilité extracontractuelle.

Le fait que des professionnels de la construction n’aient pas détecté un risque d’effondrement ne dispense pas l’agent immobilier de son devoir de mise en garde sur un désordre apparent, susceptible de remettre en cause le consentement éclairé de l’acheteur.

L’annonce faisant état d’un « très bon état général de l’extérieur » est aussi critiquée, car non conforme à la réalité.

💬 L’agence est condamnée à verser :

  • 18 000 € de dommages-intérêts,

  • 4 000 € au titre de l’article 700 du CPC.

🔹 Portée et enseignements pratiques

Cet arrêt met en lumière une jurisprudence exigeante à l’égard des professionnels de l’immobilier, en particulier lors de la vente de biens anciens.
Il souligne l’importance :

  • de vérifier personnellement l’état extérieur des bâtiments,

  • de rédiger avec prudence les annonces de vente,

  • et surtout, d’alerter clairement les acquéreurs profanes, par écrit, des désordres apparents et des précautions à prendre.

À défaut, la responsabilité de l’agence peut être engagée, même sans preuve de connaissance du risque d’effondrement.

🧠 À retenir : L’agent immobilier n’est pas un expert en construction, mais il doit orienter l’acquéreur vers une expertise s’il constate ou soupçonne des désordres visibles pouvant compromettre la sécurité ou l’intégrité du bien.

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