L’agent immobilier et la condition suspensive de prêt : jusqu’où va son devoir d’accompagnement ?

Publié le 2 juin 2025 à 12:38

🔹 Référence de l’arrêt

Cour d’appel de Colmar, chambre 2 A, 15 mai 2025, n° 22/03874

🔹 Principe dégagé

L’agent immobilier n’est pas tenu de vérifier la conformité des demandes de prêt aux stipulations du compromis de vente ni d’informer l’acquéreur sur les conséquences d’un refus de prêt non conforme. Ces diligences relèvent de la responsabilité personnelle de l’acquéreur.

🔹 Les faits

Un immeuble de quatre logements est proposé à la vente au prix de 220 000 € par l’intermédiaire d’un agent immobilier. Le 24 février 2020, un compromis est signé avec un acquéreur, comprenant une condition suspensive d’obtention de prêt. Les conditions de financement sont précisément encadrées :

  • Montant maximum de 224 875 €

  • Durée de 300 mois

  • Taux nominal de 2 %
    L’acquéreur s’engage à effectuer au moins deux démarches bancaires.

Mais la vente ne se réitère pas. Un seul refus de prêt est présenté, et il n’est pas conforme aux conditions du compromis. Le vendeur demande l’application de la clause pénale (18 000 €). L’acquéreur conteste, mettant en cause l’agent immobilier pour manquement à son devoir de conseil.

🔹 La question posée aux juges

L’agent immobilier peut-il être tenu responsable pour ne pas avoir vérifié la conformité des demandes de prêt ou pour ne pas avoir alerté l’acquéreur sur les conséquences juridiques d’un refus non conforme à la condition suspensive ?

🔹 La solution de la cour

La cour d’appel confirme la décision du tribunal judiciaire de Mulhouse :

  • La condition suspensive est réputée accomplie, car les refus de prêt ne sont pas conformes aux exigences du compromis (art. 1304-3 C. civ.).

  • L’acquéreur est redevable de la clause pénale.

  • L’agent immobilier est exonéré de toute responsabilité.

La cour précise :

« Il n’entrait pas dans les obligations de [l’agent immobilier] dans le cadre du suivi du dossier de vérifier la conformité des demandes de crédit aux termes du compromis, ni d’attirer l’attention de [l’acquéreur] sur les conséquences du défaut d’obtention du financement. »

Elle ajoute, à titre surabondant :

« [L’acquéreur] a signé le compromis et était donc informé de la condition suspensive et des conséquences […]. Le notaire l’a également alerté. »

🔹 Enseignements pratiques pour les agents immobiliers

1. Une frontière claire entre mission commerciale et obligation juridique

La décision trace une ligne nette entre :

  • Le rôle d’accompagnement de l’agent, limité à la formation de la vente (accord sur la chose et le prix),

  • Et les démarches personnelles de l’acquéreur pour obtenir un crédit conforme.

2. Pas d’obligation de conseil renforcée

L’agent peut informer, alerter à titre préventif, mais n’est pas responsable si l’acquéreur :

  • Ne respecte pas les conditions du compromis,

  • Fournit un refus de prêt non conforme,

  • Ne multiplie pas les démarches comme prévu.

3. Importance de la traçabilité et de la clarté contractuelle

Les agents doivent veiller à ce que les conditions suspensives soient précises, et que les acquéreurs les comprennent. Mais la responsabilité finale de satisfaire à ces conditions incombe exclusivement à l’acquéreur.

4. Un rappel salutaire

Cette affaire rappelle qu’un agent bien formé n’est pas celui qui cherche à tout faire ou tout contrôler, mais celui qui distingue clairement ses obligations de celles des autres parties.
C’est la rigueur dans la délimitation des responsabilités – et non la surprotection – qui sécurise la pratique professionnelle.

📝 Conclusion

L’arrêt du 15 mai 2025 constitue un jalon utile pour les professionnels de l’intermédiation : il confirme que l’agent immobilier n’est pas une tutelle juridique pour l’acquéreur, et que son devoir d’information n’empiète pas sur les responsabilités personnelles liées au financement. Un équilibre à conserver, pour éviter à la fois les abus… et les illusions.

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