Le devoir de vérification de l'agent immobilier

Publié le 20 mai 2025 à 18:10

Référence : Cour d’appel de Rennes, 1re chambre, 29 avril 2025, n° 24/00066 (renvoi après cassation, Cass. 3e civ., 7 déc. 2022, n° 21-20.297)

Les faits

Un couple d’acquéreurs signe, en avril 2011, un compromis de vente portant sur une maison individuelle par l’intermédiaire d’une agence immobilière. À cette occasion, un acompte est versé, un déménagement est anticipé et la signature de l’acte définitif est programmée pour la fin juillet.

Le 20 juillet, à quelques jours seulement de la date prévue, le notaire adresse pour la première fois aux parties un projet d’acte authentique. Les acquéreurs y découvrent deux éléments majeurs, absents du compromis :

  • une servitude non aedificandi affectant le terrain,

  • ainsi que des travaux récents (piscine, ravalement, baies vitrées), en contradiction avec la clause indiquant qu’aucune construction n’avait été entreprise depuis plus de dix ans.

Informés trop tardivement de ces éléments, les acquéreurs renoncent à la vente.

La procédure

En première instance, les acquéreurs obtiennent réparation de la part des vendeurs. Insatisfaits, ils interjettent appel pour faire reconnaître la responsabilité conjointe de l’agence immobilière et du notaire.

Par un arrêt du 27 juin 2019, la cour d’appel de Rennes les déboute. Cette décision est partiellement cassée par la Cour de cassation (3e civ., 7 déc. 2022, n° 21-20.297), qui renvoie l’affaire devant une autre formation de la même cour d’appel. L’arrêt du 29 avril 2025 statue à nouveau sur le litige.

La question juridique

Dans une vente immobilière impliquant plusieurs professionnels, quelle est l’étendue de la responsabilité de l’agent immobilier et du notaire en cas de défaut de coordination et d’information ?

La solution retenue par la cour

La cour retient la faute de l’agence immobilière sur deux fondements :

  1. Omission d’une servitude connue : la servitude non aedificandi, mentionnée dans un certificat d’urbanisme en possession de l’agence depuis plus d’un mois, n’avait pas été intégrée au compromis.

  2. Absence de vérification des travaux : les aménagements récents, pourtant visibles, n’ont donné lieu à aucune vérification ou alerte de la part de l’agence, malgré leur contradiction avec les termes du compromis.

La faute du notaire est également reconnue, mais de manière plus limitée. Il lui est reproché :

  • d’avoir transmis trop tardivement le projet d’acte, empêchant les acquéreurs de disposer d’un temps raisonnable pour réagir, alors même qu’il disposait des éléments essentiels depuis la mi-juin.

En revanche, la cour écarte sa responsabilité quant à l’échec des renégociations, estimant que la multiplication des interlocuteurs (avocats, notaires) avait entraîné une désorganisation générale des échanges, rendant toute clarification impossible.

Répartition des responsabilités :

  • 80 % à la charge de l’agence immobilière,

  • 20 % à la charge du notaire.
    Aucun recours en garantie n’est admis entre eux.

Enseignements pour les agents immobiliers

Cet arrêt illustre parfaitement le rôle central de l’agent immobilier dans la structuration juridique et logistique d’une vente.

Ce qu’il faut en retenir :

  • 🔍 Obligation de vigilance renforcée : l’agent ne peut se limiter à relayer des informations fournies par le vendeur. Il doit procéder à des vérifications proactives, notamment en consultant les documents d’urbanisme et en confrontant les déclarations aux constats matériels.

  • 🖋️ Rédaction rigoureuse du compromis : en tant que rédacteur, il lui appartient d’intégrer les données juridiques pertinentes (servitudes, travaux, diagnostics, prescriptions urbanistiques).

  • 📬 Coordination avec les autres professionnels : il doit organiser un circuit d’information fluide avec le notaire, anticiper les délais, transmettre les documents en temps utile et alerter les parties en cas de difficulté.

  • 🧩 Responsabilité personnelle engagée : l’agent immobilier n’est pas un simple intermédiaire passif. Sa responsabilité peut être engagée personnellement, y compris en présence d’un notaire, dès lors qu’il n’assume pas pleinement ses obligations de conseil, d’information et de vérification.

Conclusion

L’arrêt du 29 avril 2025 confirme une jurisprudence constante : dans la chaîne complexe des intervenants à une vente immobilière, le rôle de l’agent immobilier ne se limite pas à une mise en relation. Il est un acteur structurant, souvent à l’origine du processus, dont la capacité à initier, coordonner et sécuriser l’opération conditionne l’efficacité globale de la transaction.

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