
Une décision éclairante de la Cour d’appel de Rouen
Dans une décision marquante du 28 août 2024 (n°23-01268), la Cour d’appel de Rouen a rappelé les limites de la portée informative du diagnostic de performance énergétique (DPE) tout en confirmant son rôle potentiel dans l’action en garantie des vices cachés. Ce jugement souligne les responsabilités des vendeurs et l’impact accru du DPE, devenu opposable depuis le 1er juillet 2021.
Les faits : deux DPE pour un même bien
Les acheteurs d’un bien immobilier se sont aperçus, après la vente, que la performance énergétique réelle de leur logement était bien inférieure à celle indiquée dans le DPE annexé à l’acte de vente.
- Premier diagnostic (pré-vente) : Classe énergétique G.
- Second diagnostic (annexé à l’acte de vente) : Classe énergétique D.
Entre les deux, aucun travail n’a été effectué pour justifier une telle amélioration. L’écart significatif a conduit les acquéreurs à engager une action en garantie des vices cachés.
La procédure : action en garantie des vices cachés
Les acquéreurs ont invoqué un vice caché, à savoir une défaillance énergétique majeure non apparente et antérieure à la vente. Ils reprochent au vendeur :
- La présentation d’un DPE erroné : Le diagnostic annexé à l’acte de vente ne reflétait pas la réalité.
- L’absence de justification des travaux : Aucun élément ne prouvait une amélioration de la performance énergétique du bien entre les deux diagnostics.
Le vendeur a tenté de se défendre en invoquant l’article L. 271-4 du Code de la construction et de l’habitation (CCH), qui précise que les informations contenues dans le DPE, au moment des faits, n’avaient qu’une valeur informative et ne pouvaient engager sa responsabilité.
La question juridique : le DPE peut-il fonder une action en vice caché ?
Le point central du litige portait sur l’opposabilité du DPE dans le cadre d’une action en garantie des vices cachés. La question était de savoir si :
- Le DPE erroné relevait uniquement d’une information non contraignante pour le vendeur.
- Ou si le caractère erroné du diagnostic pouvait constituer un élément dissimulant un vice caché, engageant ainsi la responsabilité du vendeur.
La solution apportée par la Cour
La Cour d’appel de Rouen a tranché en faveur des acquéreurs.
- Elle a confirmé que l’article L. 271-4 du CCH n’empêchait pas l’exercice d’une action en garantie des vices cachés, dès lors que les acquéreurs démontraient le bien-fondé de leur action.
- En l’espèce, le vendeur n’a pas réussi à justifier l’amélioration énergétique du bien entre les deux diagnostics.
- La défaillance énergétique majeure, antérieure à la vente et cachée par la présentation d’un DPE erroné, constitue un vice caché grave.
Le vendeur a été condamné à prendre en charge les travaux nécessaires pour atteindre la performance énergétique annoncée (classe D), soit un montant supérieur à 60 000 €.
Les enseignements de cette décision
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L’évolution de la portée du DPE
Bien que l’affaire concernait une période où le DPE avait encore une valeur informative, la décision s’inscrit dans un contexte où ce diagnostic est désormais opposable (depuis le 1er juillet 2021). Cela renforce les obligations des vendeurs en matière de transparence et de fiabilité des diagnostics. -
Le rôle central des diagnostiqueurs
Le diagnostic énergétique doit être rigoureux et refléter la réalité du bien. Tout manquement ou manipulation peut entraîner des conséquences juridiques lourdes. -
Les risques pour les vendeurs
Présenter un DPE incorrect ou omettre de justifier les écarts entre plusieurs diagnostics expose le vendeur à des actions en justice coûteuses. -
La vigilance des acquéreurs
Les acheteurs doivent systématiquement vérifier la cohérence des diagnostics et poser des questions sur les éventuels travaux réalisés avant la vente.
Conclusion
Cette décision illustre l’importance croissante du DPE dans les transactions immobilières. Désormais opposable, ce document engage non seulement le diagnostiqueur mais aussi le vendeur, en cas de manquement ou de dissimulation. Pour les professionnels de l’immobilier, cette affaire constitue un rappel essentiel : un DPE fiable et conforme est indispensable pour sécuriser une vente et éviter les litiges futurs.
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