
Il s'agit d'un arrêt de la Cour d’appel d’Angers du 26 mars 2024, n°19-02502.
1. Principe
Si la faute commise par les candidats acquéreurs, tenant à leur absence de diligence dans la recherche d'un prêt immobilier, peut justifier, sur le fondement de l'article 1240 du Code civil, une indemnisation de l'agence immobilière en raison de l'échec de la vente, encore faut-il que cette dernière établisse la réalité du préjudice qu'elle allègue.
==> Pour obtenir des dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle, l'agence immobilière doit prouver l'existence d'un préjudice réel et démontrable.
2. Faits
Une vente immobilière a échoué en raison de l'absence de diligence des acheteurs dans la recherche d'un prêt immobilier.
L'agence immobilière, impliquée dans la transaction en tant que rédactrice du compromis de vente et négociatrice, a été mise en cause tardivement, près de deux ans après l'échec de la vente.
L'agence a alors formé une demande reconventionnelle pour obtenir des dommages et intérêts, invoquant un préjudice lié à des "frais de gestion anormaux" qu'elle aurait supportés en raison de la gestion du contentieux.
3. Les arguments de l'agence immobilière
Elle prétend avoir subi un préjudice en raison de la gestion du contentieux, notamment à cause de la mise en cause tardive et des "frais de gestion anormaux".
Les "frais de gestion anormaux" désignent des dépenses supplémentaires ou inhabituelles que l'agence immobilière prétend avoir dû engager à cause du contentieux lié à l'échec de la vente immobilière.
L'agence affirme qu'elle a dû consacrer beaucoup de temps et d'efforts pour reconstituer l'historique des événements et fournir des explications à son avocat, en raison de sa mise en cause tardive, près de deux ans après l'échec de la vente.
Elle considère ces frais comme un préjudice pour lequel elle demande une indemnisation.
Elle accuse les acheteurs de mauvaise foi, les soupçonnant de chercher à masquer leur propre responsabilité dans l'échec de la vente.
4. La décision de la Cour d'appel
La cour a rejeté la demande de l'agence immobilière, qui réclamait des dommages et intérêts pour un prétendu préjudice lié à l'échec d'une vente immobilière.
Sur les frais de gestion anormaux :
L'agence n'a pas prouvé l'existence du préjudice qu'elle invoquait, notamment les "frais de gestion anormaux".
Sur la mauvaise foi des candidats acquéreurs :
De plus, l'argument de mauvaise foi des candidats acquéreurs a été écarté, car une mauvaise interprétation des droits par une partie ne constitue pas une faute. La cour a donc confirmé le jugement précédent, déboutant l'agence immobilière de sa demande indemnitaire.
5. Quelles leçons pour les agents immobiliers ?
L'arrêt de la Cour d'appel d'Angers du 26 mars 2024 offre plusieurs leçons importantes pour les agents immobiliers, particulièrement en matière de gestion des litiges et de responsabilité professionnelle.
1. Importance de la preuve du préjudice
L'arrêt souligne que pour obtenir des dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle, l'agence immobilière doit impérativement prouver l'existence d'un préjudice réel et démontrable. Il ne suffit pas de simplement alléguer un préjudice; il est nécessaire de fournir des preuves concrètes et documentées.
Par conséquent, les agents immobiliers doivent s'assurer qu'ils peuvent justifier tout préjudice qu'ils invoquent, en conservant des preuves tangibles de leurs dépenses, du temps investi, et des impacts financiers subis.
2. Gestion prudente des litiges
Cet arrêt rappelle aux agents immobiliers l'importance d'une gestion rigoureuse des dossiers, surtout en cas de contentieux. Ils doivent être prêts à reconstituer l'historique des transactions et à documenter les efforts fournis pour éviter d'être pris au dépourvu en cas de mise en cause tardive.
Une documentation rigoureuse et un suivi constant des dossiers sont essentiels pour défendre efficacement leurs intérêts en cas de litige.
3. Responsabilité et obligation de conseil
Les agents immobiliers doivent être particulièrement vigilants dans l'exécution de leur devoir de conseil. Comme souligné dans l'affaire, un manquement à cette obligation peut être utilisé contre eux.
Il est crucial pour eux de veiller à ce que toutes les obligations légales et contractuelles soient respectées, notamment en matière de rédaction des compromis de vente et de suivi des acheteurs dans leurs démarches.
4. Prudence dans l'accusation de mauvaise foi
L'arrêt montre qu'accuser l'autre partie de mauvaise foi est risqué si cette accusation n'est pas solidement étayée. Une mauvaise interprétation des droits par une partie ne constitue pas en soi une faute.
Les agents immobiliers doivent donc être prudents avant de formuler de telles accusations et s'assurer qu'ils disposent de preuves solides avant de les avancer dans un contentieux.
Conclusion
Cet arrêt incite les agents immobiliers à être méthodiques dans la gestion de leurs dossiers, à documenter scrupuleusement leurs actions et à faire preuve de prudence lorsqu'ils invoquent des préjudices ou accusent une autre partie de mauvaise foi.
Une préparation rigoureuse est essentielle pour défendre efficacement leurs intérêts devant les tribunaux.
Ajouter un commentaire
Commentaires