Caméra filmant un passage commun : Est-ce un trouble manifestement illicite ?

Publié le 11 août 2025 à 00:28

Cass. civ. 1re, 10 avril 2025, n° 23-19.702, publié au Bulletin

Principe dégagé par l’arrêt

L’installation d’une caméra de vidéo-surveillance orientée vers un passage commun et captant l’image des personnes qui l’empruntent constitue, sur le fondement de l’article 9 du Code civil, une atteinte à la vie privée caractérisant un trouble manifestement illicite. Ce trouble justifie, en référé, l’ordre de dépose immédiate du dispositif, sans attendre un jugement au fond.

Faits

Un particulier avait installé sur sa propriété une caméra de vidéo-surveillance.
L’angle de prise de vue couvrait non seulement son accès privé, mais également un chemin de passage commun emprunté par d’autres occupants et visiteurs.
Estimant que ce dispositif portait atteinte à leur vie privée, certains voisins ont saisi le juge des référés pour obtenir son démontage.

Procédure

  • 1re instance : le juge des référés a rejeté la demande, estimant que la caméra n’occasionnait pas de trouble manifestement illicite.

  • Appel : la cour d’appel de Papeete a confirmé, tout en reconnaissant que l’appareil filmait effectivement les personnes empruntant le passage commun.

  • Les demandeurs ont formé un pourvoi en cassation.

Question principale de droit

Le fait de filmer, depuis une propriété privée, un passage commun emprunté par des tiers constitue-t-il une atteinte à la vie privée suffisante pour caractériser un trouble manifestement illicite, justifiant la dépose immédiate du dispositif en référé ?

Solution des juges

La Cour de cassation censure la décision d’appel.
Elle rappelle que l’article 9, alinéa 1er, du Code civil protège le droit au respect de la vie privée.
La captation d’images de personnes circulant sur un passage commun, sans leur consentement, caractérise une atteinte à ce droit, et donc un trouble manifestement illicite au sens de l’article 835 du Code de procédure civile.
Conséquence : le juge des référés pouvait et devait ordonner la dépose immédiate de la caméra, sans attendre le jugement au fond.

Enseignements pour les professionnels de l’immobilier

  • Propriétaires : même installée sur un bien privé, une caméra ne doit pas filmer des espaces communs ou accessibles à autrui (cours, chemins, halls, parkings partagés).

  • Syndics et gestionnaires : vérifiez l’orientation et la zone de captation des caméras installées par les copropriétaires pour prévenir tout litige.

  • Agents immobiliers : informez les acquéreurs et bailleurs des limites légales liées à la vidéo-surveillance.

  • Gestion locative : inclure dans les règlements intérieurs ou baux des clauses précisant l’interdiction de filmer les parties communes sans autorisation collective.

💡 Point-clé : Le juge des référés peut agir rapidement pour faire cesser ce type d’atteinte, sans qu’il soit nécessaire de prouver un préjudice particulier.

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