
Il s'agit d'un arrêt de la Cour de cassation du 11 janvier 2024, n° 22-12.533
1. Rappel du principe tiré de l'arrêt
Lorsqu’un syndicat de copropriétaires rencontre de graves difficultés financières ou n'est plus en mesure d'assurer la conservation de l'immeuble, un administrateur provisoire peut être désigné par le président du tribunal judiciaire. Cette désignation, en vertu de l'article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965, doit en principe être faite par voie d'assignation délivrée au syndicat des copropriétaires représenté par le syndic. A défaut de respecter cette procédure légale, la désignation de l'administrateur provisoire peut être irrégulière.
2. Les faits
Dans cette affaire, M. et Mme [Z], copropriétaires d'un immeuble, ont obtenu par ordonnance sur requête du 13 février 2020 la désignation d'un administrateur provisoire pour leur copropriété. Cette désignation a été faite en raison des difficultés rencontrées par la copropriété. M. [P], également copropriétaire, mais de la majorité des autres lots de l'immeuble, a contesté cette décision et a assigné en rétractation de l'ordonnance. La société Régie Simonneau, désignée administrateur provisoire, est intervenue volontairement dans cette instance.
3. La question principale posée aux juges
La question posée aux juges était de savoir si la désignation de l’administrateur provisoire avait été faite conformément à la procédure légale, c'est-à-dire par voie d'assignation, ou si la procédure utilisée, à savoir une requête des copropriétaires, pouvait être validée malgré cette irrégularité.
4. Les arguments des parties
M. [P] a soutenu que l’ordonnance du 13 février 2020 devait être rétractée car elle avait été rendue suite à une requête et non par voie d'assignation, comme le prévoit l'article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965 et l'article 62-2 du décret du 17 mars 1967. De leur côté, M. et Mme [Z] ont fait valoir que la requête était justifiée par l’urgence de la situation et l’inertie de M. [P].
5. La solution des juges
La Cour de cassation a donné raison à M. [P]. Elle a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, considérant que la désignation d’un administrateur provisoire par voie de requête était irrégulière et devait être faite par assignation. La Cour a donc annulé l'arrêt de la cour d'appel qui avait confirmé la désignation de l'administrateur provisoire.
6. Le montant de la condamnation
La Cour de cassation a condamné M. et Mme [Z] à verser à M. [P] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Ils ont également été condamnés aux dépens.
Quelles leçons pour les Syndics de copropriétés ?
L’arrêt de la Cour de cassation du 11 janvier 2024 offre plusieurs leçons importantes pour les syndics de copropriétés.
Voici les principales :
1. Respect strict de la procédure
La décision rappelle l’importance cruciale de respecter scrupuleusement la procédure prévue par la loi. En l’occurrence, lorsqu’il s’agit de désigner un administrateur provisoire pour une copropriété, la demande doit impérativement être formulée par voie d’assignation et non par requête. Tout manquement à cette règle peut entraîner l'annulation de la désignation, même si la situation justifie une intervention urgente.
2. Rôle du syndic dans la représentation du syndicat
Le syndic, en tant que représentant légal du syndicat des copropriétaires, doit être impliqué dans toute procédure de désignation d’un administrateur provisoire. Cela implique que l’assignation doit lui être délivrée pour que le processus soit juridiquement valide. Les syndics doivent être vigilants et s’assurer qu'ils sont bien informés de toute action judiciaire engagée au nom de la copropriété.
3. Anticiper les situations de crise
Cet arrêt montre l’importance pour les syndics d’anticiper les situations de crise au sein d'une copropriété. Les syndics doivent surveiller l’équilibre financier du syndicat et intervenir rapidement pour éviter d’en arriver à la désignation d’un administrateur provisoire. Une gestion proactive permet souvent de résoudre les problèmes avant qu'ils ne nécessitent une intervention judiciaire.
4. L'urgence ne justifie pas tout
Même en cas d'urgence, les règles procédurales doivent être respectées. Cet arrêt rappelle que l'urgence ne justifie pas une dérogation aux formalités légales. Les syndics doivent être conscients que des procédures mal engagées peuvent se retourner contre les copropriétaires et eux-mêmes, entraînant des coûts supplémentaires et des retards dans la résolution des problèmes.
5. Implication des copropriétaires
Les syndics doivent encourager une communication transparente avec les copropriétaires et les inciter à participer activement à la gestion de la copropriété. En cas de difficultés graves, il est essentiel de consulter les copropriétaires et de s’assurer que toute action entreprise a un fondement solide et respecte les droits de toutes les parties.
En conclusion, cet arrêt souligne l'importance de la rigueur dans la gestion des procédures judiciaires concernant les copropriétés et invite les syndics à une vigilance accrue pour éviter des erreurs de procédure qui pourraient compromettre la gestion de la copropriété.
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