Bail d’habitation et mise sous scellé du logement : qui doit payer le loyer ?

📌 Références de l'arrêt

Cour de cassation, 3e chambre civile, 3 juillet 2025, n° 23-16.723

⚖️ Principe dégagé par l’arrêt

Pendant la période de mise sous scellé, l’indisponibilité du logement n’est pas constitutive d’une inexécution de l’obligation de délivrance par le bailleur.
Le locataire demeure donc redevable des loyers jusqu’au terme du bail.
En revanche, aucune indemnité d’occupation n’est due après le congé, la restitution des clés étant matériellement impossible pendant la durée des scellés.

📝 Faits

Un bail d’habitation est conclu en mars 2017 entre une bailleresse et deux colocataires.
L’un des colocataires tente de tuer sa compagne, également colocataire. À la suite de cet événement, le logement est immédiatement placé sous scellé dans le cadre de l’enquête pénale.

Trois semaines plus tard, les locataires donnent congé avec un préavis de trois mois.
Les scellés ne sont levés qu’en décembre 2017, permettant à la locataire victime de récupérer ses effets personnels et de libérer les lieux.
L’auteur des violences restitue finalement les clés un an plus tard, en décembre 2018.

La bailleresse réclame :

  • le paiement des loyers jusqu’à la fin du préavis (juin 2017) ;

  • une indemnité d’occupation jusqu’à la restitution des clés (décembre 2018).

🧭 Procédure

La Cour d’appel de Lyon confirme la condamnation des locataires au paiement des loyers et de l’indemnité d’occupation, considérant que la mise sous scellé ne libérait pas les locataires de leurs obligations.

Les colocataires se pourvoient en cassation.

❓ Question principale de droit

La mise sous scellé judiciaire d’un logement loué suspend-elle les obligations du locataire relatives :

  • au paiement du loyer ?

  • à la restitution des lieux (libération + remise des clés) ?

🏛️ Solution de la Cour de cassation

La Cour de cassation casse partiellement l’arrêt d’appel. Elle juge que :

  • La locataire victime ne peut invoquer ni la force majeure ni l’exception d’inexécution, la bailleresse n’étant pas à l’origine de l’indisponibilité du bien. Elle reste donc redevable des loyers jusqu’au terme du bail.

  • 🚫 Aucune indemnité d’occupation n’est due pendant la période de mise sous scellé, l’obligation de restitution des clés étant suspendue (C. civ., art. 1219, al. 2).

  • ⚠️ Seul le colocataire auteur des violences reste débiteur d’une indemnité d’occupation après la levée des scellés, en raison de sa détention prolongée des clés.

🧠 Enseignements pour les professionnels de l’immobilier

Cette décision apporte une distinction essentielle entre deux obligations locatives :

  • L’obligation de payer le loyer : elle perdure tant que le bail n’est pas résilié, sauf faute du bailleur.

  • L’obligation de libérer les lieux et de restituer les clés : elle peut être suspendue si une mesure judiciaire rend cette restitution matériellement impossible.

👉 Pour les administrateurs de biens et bailleurs :

  • Une mise sous scellé ne justifie pas, en soi, une suspension des loyers.

  • En revanche, aucune indemnité d’occupation ne peut être facturée pendant la période où le locataire est empêché de libérer les lieux.

  • Il convient de bien distinguer les périodes et les débiteurs (notamment en colocation) lors de la reddition des comptes.

👉 Pour les locataires :

  • Ils ne peuvent invoquer la force majeure pour ne pas payer les loyers (jurisprudence constante : Cass. com., 16 sept. 2014, n° 13-20.306).

  • Mais ils ne sont pas pénalisés au titre de l’indemnité d’occupation lorsque la restitution des lieux est bloquée par une mesure judiciaire.

📚 Textes légaux mobilisés

  • Article 1218 C. civ. – Force majeure

  • Article 1219 C. civ. – Exception d’inexécution (et suspension de l’obligation corrélative)

  • Article 1240 C. civ. – Responsabilité délictuelle en cas de faute

📌 Conclusion

La mise sous scellé du logement ne dispense pas le locataire de payer le loyer tant que le bail n’est pas résilié, sauf faute du bailleur.
En revanche, aucune indemnité d’occupation n’est due pendant la période où le locataire est empêché de restituer les lieux.

Cette décision renforce la sécurité juridique des bailleurs tout en évitant d’aggraver la situation des locataires victimes d’une mesure pénale indépendante de leur volonté.

Ajouter un commentaire

Commentaires

Il n'y a pas encore de commentaire.