Congé pour motif légitime et sérieux pour travaux : des précisions par la Cour d'appel !

Il s'agit d'un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 23 avril 2024 n° 21/22012

Principe tiré de l'arrêt

Lorsqu'un bailleur souhaite entreprendre des travaux de rénovation, restructuration ou amélioration nécessitant la libération des lieux loués, il peut légitimement délivrer un congé au locataire. Ces travaux doivent cependant être indispensables et justifier la nécessité de libérer les lieux.

Faits

Une locataire occupait un appartement et une chambre de service dans un immeuble à Paris, appartenant à une société immobilière. Cette société a décidé de réaliser des travaux importants de rénovation et de restructuration dans l'immeuble, incluant la création de nouveaux logements. Pour ce faire, elle a délivré un congé à la locataire avec effet au 31 janvier 2021, demandant la libération des lieux. La locataire a contesté ce congé, arguant que les travaux pouvaient être réalisés sans nécessiter son départ.

Question posée aux juges

Les travaux envisagés par le bailleur justifiaient-ils réellement le départ de la locataire ?

Arguments des parties

La locataire a soutenu que :

1. Les travaux n'étaient pas nécessaires et pouvaient être réalisés sans son départ.
2. Le congé était frauduleux, les travaux relevant selon elle d'une opération de restructuration immobilière, ce qui lui aurait donné droit à un relogement en vertu de la législation applicable.

Le bailleur a répliqué que les travaux nécessitaient la libération des lieux en raison de leur ampleur et étaient essentiels pour la rénovation de l'immeuble.

Solution des juges

La Cour d'appel a validé le congé et ordonné l'expulsion de la locataire. Elle a estimé que les travaux envisagés constituaient un motif légitime et sérieux, justifiant la résiliation du bail. Les travaux étaient d'une telle ampleur qu'ils rendaient impossible l'occupation des lieux pendant leur réalisation.

En effet, ces travaux englobent des opérations de « dépose des planchers des quatrième et cinquième étages (où est situé le logement), la condamnation de l'accès aux étages, la dépose du réseau électrique entraînant la suppression de l'alimentation des appartements pendant la durée du chantier, ainsi que d'importantes nuisances. »

Les juges ont également rejeté l'argument de la locataire concernant la nature des travaux, considérant qu'il ne s'agissait pas d'une opération de restructuration immobilière frauduleuse.

Pour  mémoire : 

-  la réalisation de travaux peut constituer un motif légitime et sérieux de congé lorsqu'ils sont justifiés par l'état du bien loué (Cour de cassation, 3^ème chambre civile, 7 février 1996, n°94-14339).

-  la réalisation de travaux, même s'ils ne sont pas indispensables, peut également justifier la délivrance d'un congé par le bailleur. (Cour d’appel de Bordeaux, 5^ème chambre, 6 novembre 2007).

- en cas de contestation du locataire, il appartient au bailleur de prouver la faisabilité et le sérieux des travaux envisagés (Cour d’appel de Versailles, 1^ère chambre, 14 avril 2015).

==>Par ailleurs, dans  le cas d’espèce, le bailleur apporte la preuve que des travaux doivent être réalisés dans le logement, par la production du projet de l’architecte. Il démontre également que l’occupation du logement est incompatible avec leur exécution.

Quelles leçons pour les administrateurs de biens ?

Cet arrêt rappelle aux administrateurs de biens l'importance de bien documenter et justifier les travaux envisagés lorsqu'ils nécessitent la libération des lieux. Un congé doit être fondé sur un motif légitime et sérieux, notamment lorsque les travaux impliquent une rénovation ou une restructuration de grande ampleur. De plus, il est crucial de s'assurer que les travaux ne relèvent pas de dispositions légales spécifiques qui pourraient ouvrir des droits particuliers aux locataires, comme le droit au relogement. Enfin, une bonne communication avec les locataires, ainsi qu'une préparation rigoureuse des dossiers juridiques, sont essentielles pour éviter les litiges prolongés.